lundi 7 mars 2011

La question « d'un monde sans argent »

Aujourd'hui, les moyens de production et de distribution des richesses de la société sont la propriété privée d'une minorité privilégiée de la population. Cette appropriation exclut obligatoirement l'immense majorité du libre accès aux biens et aux services produits, nécessaires à leur vie quotidienne et à la satisfaction de leurs besoins. En effet, pour se procurer les biens et les services dont ils ont besoin, y compris les plus élémentaires (nourriture, habillement, logement, transports, etc.), les travailleurs doivent les acheter à leurs propriétaires. En d'autres termes, ils doivent échanger de l'argent contre le bien ou le service qu'ils souhaitent acquérir ou utiliser : ceux qui produisent les richesses de la société (les salariés) doivent donc dépenser l'argent qu'ils ont obtenu en échange de leur travail (leurs salaires) pour acheter les richesses qu'ils ont eux-mêmes produites (les nécessités de l'existence) à ceux qui les possèdent mais ne les produisent pas.

L'existence de la propriété privée entraîne donc celle de l'échange et, par voie de conséquence celle de l'argent, ou, plus exactement, celle des moyens de paiement. Autrement dit, l'argent existe parce que la propriété privée existe. Il est nécessaire uniquement parce que les biens et les services produits sont appropriés par quelques-uns. Pour cette raison, il est un équivalent universel : d'une part, unité de mesure qui permet de calculer les prix (coûts de revient, bénéfices, etc.) afin d'établir une comparaison entre les marchandises sur le marché, d'autre part, moyen d'échange, c'est-à-dire intermédiare entre le vendeur et l'acheteur.

D'après les économistes officiels (ceux qui ne remettent pas en cause l'existence de l'argent), celui-ci est un instrument simple et utile qui facilite de la façon la plus efficace possible la production et l’échange des biens et des services, et laisse aux gens le choix de leur consommation. Il y a un élément de vérité dans cette affirmation. En effet, l'argent est certainement supérieur au troc. Sans comptes bancaires, chèques ou cartes de crédit, les échange, à leurs niveaux actuels, seraient tout simplement impossibles. D'un autre côté, pour les salariés, ce système est préférable au paiement en nature puisque, ainsi, ce sont eux, et non leurs employeurs, qui décident de ce qu'ils veulent consommer ou pas.

Cependant, l'existence de l'argent crée une pénurie artificielle car le montant de nos achats est limité par la quantité d'argent que nous possédons. En tant que consommateurs, nous n'achetons pas en fonction de nos besoins, mais en fonction de nos revenus. Pour les plus démunis, le manque d'argent apparaît ainsi comme un obstacle à l'acquisition des biens même les plus indispensables et, donc, à la satisfaction de leurs nécessités.

Un autre aspect à prendre en considération est que le système monétaire est un système gaspilleur en ressources et en force de travail. II requiert une main d’oeuvre importante et coûteuse pour assurer son fonctionnement : depuis les salariés impliqués dans la fabrication et la maintenance des machines nécessaires a l'impression des moyens de paiement (pièces de monnaie, billets de banque, chèques bancaires, cartes de crédit, factures, tickets de transport, tickets d'entrée au cinéma ou au théâtre, etc.), au transport de ces moyens (camions blindés, sacs, armes), à leur dépôt (innombrables agences bancaires) et à leur protection (systèmes de sécurité, gardes, etc.), jusqu'à ceux engagés dans la production et le contrôle des moyens de paiement eux-mêmes, mais aussi du papier et des autres matières nécessaires à la fabrication de ces cartes, factures, billets, tickets, etc., en passant par ceux qui sont charges du dépistage et de la répression des vols et de la fraude financière et fiscale (l'immense majorité des actes délictuels), sans oublier ceux dont le travail consiste à encaisser, payer, compter, surveiller, transporter, etc. Tout ceci dévie et gaspille des ressources matérielles et humaines considérables... qui seront économisées dans le socialisme où les moyens de paiement n'existeront plus et qui permettront de réduire le temps de travail de façon considérable.

Mais le trait le plus négatif de l'argent est sans doute celui d'être un système socialement destructeur puisqu'il a des effets négatifs tant sur le comportement de chaque personne que sur les relations entre les individus. L'argent sape les relations sociales. II tend à atomiser les êtres humains. En effet, il pousse à l’accumulation et à la délinquance ; il introduit la méfiance entre les individus et empoisonne les relations humaines. Dans le socialisme, l'argent aura disparu. Les membres de la société n'auront plus de raison de se méfier les uns des autres, il ne poussera pas ceux qui en sont démunis à voler et ceux qui en ont beaucoup à en vouloir toujours plus. II va sans dire que sa disparition aura un effet bénéfique sur le comportement humain.

Si, dans le capitalisme, les biens et les services, nécessaires à la vie des membres de la société et au fonctionnement de cette dernière, sont produits dans le seul but de générer un profit pour la minorité possédante, dans le socialisme, ils seront produits en réponse aux besoins exprimes par la population.

Dans la société future, la production et la distribution seront donc organisées selon le principe socialiste : « De chacun selon ses capacités a chacun selon ses besoins ». De cette manière, tous auront libre accès aux produits de la société. En effet, à partir du moment où tous les membres de la société possèdent collectivement et contrôlent la production et la distribution des biens et des services qu'ils souhaitent, il n'y a plus de raison de leur faire payer de l'argent pour prendre ou utiliser ce qui leur appartient déjà.

Dans le socialisme, l'accès aux richesses produites sera donc libre et gratuit puisque la suppression de la propriété privée entraînera l'élimination des opérations d'achat-vente, du système des prix, de la rente foncière, de l'intérêt financier et du profit économique, ainsi que du système du salariat. Elle rendra ainsi l'argent inutile. Les richesses produites étant devenues la propriété commune de l'humanité et l'argent ayant disparu, comment et à qui allons-nous acheter des biens ou des services qui nous appartiennent déjà ?

Quant à la crainte que certains en profitent pour prendre plus que de besoin, au détriment de l'intérêt général, là encore, on attribue aux membres de la société socialiste un comportement typique de la société capitaliste, dans laquelle tout est rationné par la quantité d'argent que chacun possède et ou, effectivement, si l’occasion se présente, on aura tendance à prendre plus que nécessaire de crainte que l'occasion ne se pressente plus. Ce comportement, cependant, est peu probable dans le socialisme pour la simple raison que tous les biens et les services seront produits en abondance et mis à la libre disposition de tous. De cette façon, personne n'aura à craindre de manquer d'un bien ou d'un service spécifique puisque ce même bien ou service sera en libre accès, non seulement le jour même, mais le lendemain, le surlendemain, la semaine, le mois ou l'année suivants.

On peut d'ailleurs, dans le capitalisme, se faire une idée de la situation puisque certains biens ou services sont à la libre disposition de la population qui n'en fait pas pour autant une consommation excessive. En effet, déjà aujourd'hui, l'eau de nombreuses fontaines publiques est gratuite sans que les gens n'en boivent jusqu'à ce qu'elle leur sorte par les yeux ou qu'ils ne fassent la queue en permanence pour remplir leurs gourdes ou leurs bidons. Dans certaines villes des États-Unis et du Canada, les appels téléphoniques locaux sont gratuits sans que pour autant les gens ne passent leur temps dans les cabines téléphoniques. Dans la ville de Hasselt en Belgique, les transports urbains sont gratuits. Est-ce que les habitants de cette ville passent leur vie dans le bus sous prétexte qu'ils ne payent rien ? Bien sûr que non. Lorsqu'un bien ou un service est gratuit, les gens s'y habituent, sachant qu'il est là, à leur disposition, et ne prennent que ce dont ils ont besoin. Ce sera la même chose dans la société sans argent (ou, plus exactement, sans moyen d'échange payant comme l'argent).


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