lundi 15 février 2010

Marx, Keynes et Mattick


Gallimard vient de rééditer Marx et Keynes de Paul Mattick, publié pour la première fois en 1969 en anglais et en traduction française en 1972. On comprend pourquoi. La crise actuelle a suscité un intérêt renouvelé en Keynes qui a formulé sa théorie en réponse à la dépression des années trente.

Mattick analyse bien le keynésianisme comme étant une théorie moderne du réformisme qui préconise, comme les partis de gauche l’ont toujours fait, l’intervention de l’Etat pour essayer de réaliser et de maintenir le plein emploi et de redistribuer le revenu des riches aux pauvres. Il expose bien également la théorie économique de Marx, en reconnaissant par exemple qu’elle n’était pas une théorie de sous-consommation comme on la présente souvent.
Dès le siècle dernier, Malthus, entre autres, faisait de ce problème de la réalisation [de la plus-value] le nœud des difficultés auxquelles le capitalisme se heurtait. Et, au début du siècle actuel, le marxiste Rosa Luxemburg voyait dans ce même problème la raison objective des crises et des guerres ainsi que de la disparition finale du capitalisme.

Tout cela n’a pas grand-chose à voir avec Marx qui, tout en estimant, il va de soi, que le monde capitaliste réel était en même temps processus de production et processus de circulation, soutenait néanmoins que rien ne peut circuler qui n’a pas été produit au préalable, et accordait pour ce motif la priorité à la production. Dès lors que seule la création de plus-value permet une expansion accélérée du capital, quel besoin a-t-on de supposer que le capitalisme se trouvera ébranlé dans la sphère de la circulation ? » (pages 115 -116)
Toutefois l’histoire n’a pas donné raison à sa thèse principale, c’est-à-dire que l’« économie mixte » (privée et d’Etat) résultant de l’application du keynésianisme ne pouvait qu’être un stade transitoire vers un système plus complet de capitaliste d’Etat (d’où le sous-titre de son livre de « Les limites de l’économie mixte »).

Non seulement le capitalisme d’Etat russe s’est effondré mais à l’Ouest on a vu dans les années 80 (Mattick est décédé en 1981) l’abandon des politiques keynésiennes et un retour limité vers le laisser-faire sans que l’économie ait cessé d’être « mixte ». Si Mattick revenait il serait sûrement embarrassé par ses prédictions d’il y a 40-50 ans.

Cela dit, le chapitre final de ce livre (« En guise de conclusion ») reste valable en tant que critique claire du capitalisme et plaidoirie forte pour le socialisme à établir par l’auto-activité de la classe travailleuse.

Un article de Mattick sur le même sujet et sous le même titre, paru dans le Western Socialist de novembre-décembre 1955, se trouve ici.

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