dimanche 12 avril 2009

"Un trésor commun à tous"



Il y a 360 ans ce mois-ci, au cours de la révolution bourgeoise anglaise, un groupe d'hommes et de femmes occupa une colline du Surrey en vue de la cultiver, en communauté, pour subvenir à leurs besoins. Ils sont connus sous les noms de « diggers » (« bêcheurs ») et de « vrais-niveleurs ». Ce projet n'a pas duré mais en 1652 Gerard Winstanley, qui y avait participé, écrivit un livre dans lequel il prêcha (c'est le mot juste puisqu'il employa des concepts et un langage religieux, comme tout le monde à cette époque) que la Terre (re)devienne « un trésor commun à tous ». Ce livre, La loi de la liberté, est un des précurseurs du socialisme moderne. En voici quelques extraits qui montrent que Winstanley a bien compris que si la Terre devenait « un trésor commun à tous », l'argent serait rendu caduc :

« Lorsque l'humanité commença à acheter et à vendre, elle perdit son innocence ; et les hommes commencèrent alors à s'opprimer les uns les autres et à frauder leur droit naturel (…) Les hommes n'apprendront jamais a reforger leurs épées en socs de charrue, leurs lances en outils de jardin, ils ne sauront jamais se débarrasser des guerres s'ils n'ont d'abord balayé avec les immondices du pouvoir royal l'escroquerie qu'ils ont invente de l'achat et de la vente (…)

La terre doit être plantée et les fruits moissonnés et transposés dans des granges et des entrepôts avec l'assistance de chaque famille. Et tout homme ou famille ayant besoin de grain ou d'une autre provision devra se rendre aux entrepôts et le rapporter sans argent. S'ils ont besoin d'un cheval pour le chevaucher, qu'ils aillent aux champs en etc, ou dans les étables en hiver, et qu'ils en reçoivent un des gardiens ; et votre journée accomplie, rapportez-le où vous l'avez pris, sans argent. Si certains ont besoin de nourriture ou de victuailles, ils peuvent soit aller chez le boucher et recevoir ce dont ils ont besoin sans argent ; ou alors aller où sont les troupeaux de moutons, de bétail, et prendre puis abattre la viande nécessaire pour leurs familles, sans achat ni vente (…)

Puisque des familles ou des artisans particuliers réalisent certains ouvrages en plus grande quantité qu'ils ne peuvent en utiliser, comme des chapeaux, chaussures, gants, bas, vêtements de toile ou de laine, et pareilles choses, qu'ils portent leur ouvrage particulier aux dépôts, toujours sans achat ni vente ; et qu'ils aillent dans d'autres dépôts rapporter tout autre produit dont ils ont besoin et qu'ils ne peuvent faire. Puisque d'autres hommes prennent part à leurs ouvrages, il est naturel qu'ils partagent avec d'autres hommes (…)

Puisque l'argent et l'or sont soit extraits de nos propres mines, soit ramenés par bateau d'au-delà des mers, ils ne doivent pas être frappés du sceau d'un conquérant, pour servir à acheter et vendre sous son nom ou avec son autorisation ; car il ne peut en être fait aucun autre usage dans la communauté que de fabriquer des plats et autres objets nécessaires à l'ornement des maisons, tout comme on fait aujourd'hui usage de laiton, d'étain et de fer, ou de tout autre métal à cet usage. »
Plus d'information sur les Diggers anglais se trouve dans partie 3.III de Cromwell, les Niveleurs et la République d'Olivier Lutaud.

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