vendredi 27 juin 2008

On nous critique

Dans son nouveau livre Quel autre monde possible ? Retour sur le projet communiste Claude Bitot lance une attaque tout azimuts contre le “socialisme abondanciste” et plaide pour un retour au communisme “rude et austère” de Gracchus Babeuf de 1795. Il nous prend, à côté de Marcuse, Vaneigen et autres, comme exemple de ce “socialisme abundanciste”:

En 1981, le groupe anglais Socialisme Mondial affirmait que " grâce au capitalisme, la technologie et la production ont atteint un tel niveau qui permettrait de produire l'abondance pour tous. Une société d'abondance est technologiquement possible depuis longtemps et c'est ce qui constitue la base matérielle qui permettrait d'établir le socialisme ". (page 69)
Plus tard il conscacre trois pages à ironiser sur notre position en la caricaturalisant:

Ce qui en réalité se passait c'était que le capitalisme avec son consumérisme avait coupe l'herbe sous le pied à tout le socialisme abondanciste qui avait cours depuis des lustres, ce qui obligeait celui-ci à se faire ouvertement un partisan du capitalisme, un apologiste de " l'économie de marche ", de " l'entreprise ", comme le montra bien le virage idéologique que prit la gauche à partir des années 1980. Très fort le capitalisme ! il avait amené ses ennemis supposés sur les mêmes positions que lui, ce qui fait qu'ils n'avaient plus de projet socialiste du tout et que l'électeur moyen se demandait bien ce qui séparait la gauche de la droite. Le capitalisme avait tellement coupe l'herbe sous le pied à tout le monde que même parmi ceux qui, ici et là, continuaient à se prétendre vraiment socialistes, (c'est-à-dire voulaient en finir avec la propriété, les rapports marchands, l'argent, mais tout en restant des abondancistes à tout crin), voyaient leur discours sonner désormais complètement faux. Ainsi, pour prendre un exemple, celui du groupe se disant le Parti Socialiste de Grande-Bretagne, dont nous allons dire quelques mots, tant sa posture était tout à fait caricaturale.

Dans une brochure parue en français en 1981, il commençait par une critique du salariat en nous le présentant comme s'il était encore celui du 19eme sicle : " Le système du salariat, pouvait-on lire, est une forme de rationnement. II restreint la consommation du salarie à ce dont il a besoin pour se rendre apte au travail. [...] II est donc évident que le salaire d'un travailleur ne peut jamais arriver à dépasser de beaucoup la somme dont il a besoin pour se maintenir en état de travailler ". Et ça continue comme ça durant presque deux pages. Donc pour le PSG-B le travailleur avec frigo, télé, bagnole et parfois petit pavillon de banlieue, connais pas ! Le salaire réduit au seul élément physiologique absolument nécessaire au fonctionnement de la force de travail, on croit rêver ! C'est à croire que l'impitoyable " loi d'airain du salaire " encore plus ou moins à l'oeuvre en 1881, serait toujours en vigueur en 1981 ! Dans cette description du salariat la société de consommation est totalement absente. Sans doute n'a-t'elle existé en Grande-Bretagne que pour quelques lords... En fait, une telle vision misérabiliste du salaire a une fonction bien précise : faire croire que le réformisme n'aurait eu aucun impact (" futilité du réformisme " est-il dit), ce qui évidemment est tout à fait faux (cela d'autant plus que l'Angleterre fut la première a avoir invente et expérimente l'Etat-providence "), de façon a créer un contraste saisissant entre un mendiant capitalisme qui avec le salariat " rationne ", réduit le travailleur à " ce qu'il a besoin pour se maintenir en état de travailler ", et un socialisme qui sera " l'avènement d'une société d'abondance ", qui permettra " de s'offrir ce qui se fait de mieux ". Voilà de quoi allécher le chaland ! Car avec un socialisme d'un tel calibre " tout le monde pourra prendre gratuitement et selon son choix individuel ce qui lui sera nécessaire pour vivre et mener une vie heureuse ". Le bonheur dans la consommation en somme ! Et sans crainte qu'il pourrait s'interrompre car " on pourra facilement faire en sorte que les magasins soient toujours bien pourvus de ce que les gens veulent ". A la bonne heure ! voila qui est rassurant. Mais que voudront-ils ? Là-dessus on ne nous renseigne pas trop, bien que l’on nous dise qu'ils disposeront " de ce qui se fait de mieux dans le domaine de la nourriture, de l'habillement, du logement, des distractions, des voyages ". Espérons tout de même que " les gens " ne voudront pas encore plus de voitures, de jeux vidéos de matchs de foot, de caméscopes, d'appareils photos numériques, de fours à micro-ondes, d'instituts de bronzage, de voyages aux Bahamas, on en passe et des meilleurs... Mais n'attendons pas du PSG-B qu'il nous fasse une critique de la société de consommation, puisque pour lui elle n'existe pas, elle est seulement en devenir, avec le socialisme qui sera " l'avènement d'un monde d'abondance pour tous ". Et aucune crainte qu'il n'y en ait pas assez pour tout le monde, le capitalisme ayant oeuvre pour cela, auquel d'ailleurs on ne manque pas de rendre hommage : " Grâce au capitalisme la technologie et la productivité on atteint un niveau qui permettrait de produire l'abondance pour tous ".

Seulement voila, malgré ce beau programme offert en guise de perspective aux masses, le PSG-B n'a eu aucun succès auprès d'elles, il est reste une petite secte sans importance, et pour cause : il ne pouvait en être autrement, vu que c'était le capitalisme lui-même qui avait réalisme ce qui constituait la substantifique moelle de son programme, " l'abondance ", d'une manière imparfaite certes, mais suffisante quand même, pour qu'on s'épargne la peine d'écouter ses vieux radoteurs venant parler de " socialisme mondial ".

C'est le capitalisme, aide de ses collabos sociaux-democrates et autres gens de " la gauche de la gauche ", encore plus réalistes, plus terre-à-terre que le PSG-B, qui avaient l'oreille des masses. (pages 241-3)
Pour une réponse à Bitot voir http://proletariatuniversel.blogspot.com/2008/05/bitot-abandonne-le-marxisme-quel-autre.html. Nous réservons la nôtre pour plus tard.

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